Comment la souveraineté a été instaurée ici autrefois: LE JOURNAL DE LA SOUVERAINETÉ.

Comment la souveraineté a été instaurée ici autrefois
L’expérience de Shimon Sheves, ancien directeur de cabinet d’Yitzhak Rabin, dans la mise en œuvre de la souveraineté sur le plateau du Golan.

Il fut la main droite du défunt Premier ministre Yitzhak Rabin à l’époque des accords d’Oslo et, pour beaucoup à droite, un adversaire politique acharné. Pourtant, aujourd’hui, à l’heure des bouleversements en Syrie, ressurgit le souvenir de l’action politique décisive qu’il a menée alors qu’il n’avait que 24 ans. Les conséquences de cette initiative sont particulièrement visibles de nos jours. L’instauration de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan, issue de la campagne menée par Shimon Sheves, a empêché la restitution de ce territoire à Hafez al-Assad et, des décennies plus tard, son éventuelle prise de contrôle par des rebelles syriens qui auraient pu se retrouver aujourd’hui sur les hauteurs du Golan, menaçant le lac de Tibériade et les localités de la Galilée.

Nous avons contacté Sheves pour qu’il nous raconte comment s’est déroulée une campagne réussie en faveur de la souveraineté, et comment des citoyens ordinaires peuvent être à l’origine d’un changement politique majeur. Il a souri en se demandant si nous voulions tirer des leçons de cette époque. Nous n’avons pas nié cette intention. « Pourquoi pas… », avons-nous répondu, et il a ri, comprenant parfaitement ce que des mouvements de droite souhaiteraient apprendre de son expérience.

L’article préoccupant des accords de Camp David

À l’époque, le jeune Sheves avait été élu à la tête du Comité des implantations du Golan, succédant à Yehuda Harel, qui poursuivit son engagement à ses côtés dans les sphères politiques et dans le développement des implantations. Ces jours-là, les accords de Camp David venaient d’être signés, et les habitants du Golan avaient repéré un article inquiétant dans le texte présenté par Menahem Begin à la Knesset.

« Le problème dans l’accord était qu’il établissait une distinction entre les territoires relevant du mandat britannique en Terre d’Israël et les autres territoires », se souvient Sheves. « Lors des discussions entre les délégations à Camp David, un débat intense a conduit à la décision de revenir à la ligne du 4 juin, la frontière précédant la guerre des Six Jours. Il fut également décidé d’entamer des discussions sur l’autonomie en Judée-Samarie, et l’un des articles précisait que cet accord servirait de modèle pour d’autres régions. »

Cet article a immédiatement constitué un signal d’alarme pour les habitants du Golan. « Il était évident que l’accord ouvrirait la voie à un futur accord similaire avec la Syrie. »

Craignant que l’euphorie qui suivait la paix avec l’Égypte ne fasse du Golan la prochaine étape dans la liste des retraits et concessions, Sheves et les dirigeants des implantations du Golan décidèrent d’agir rapidement. « Nous avons créé le Comité des habitants du Nord, qui rassemblait non seulement les responsables des implantations du Golan, mais aussi la plupart des maires de Galilée. J’ai dirigé une large équipe de responsables locaux et, au début de notre démarche, nous avons rédigé une pétition qui a permis de créer un large consensus, allant des leaders du Likoud favorables à la souveraineté sur le Golan aux membres du Parti travailliste. Nous avons rédigé cette pétition avec Yigal Allon, un an avant sa mort. »

Un consensus fragile au Parti travailliste

Le soutien au sein du Parti travailliste n’était pas acquis d’avance. « Il y a eu des débats très houleux au sein du mouvement kibboutzique et des autres factions associées au parti, mais la majorité du parti a finalement soutenu l’initiative », raconte Sheves.

Le texte de la pétition affirmait que « le Golan est une partie inséparable de la Terre d’Israël et que sa souveraineté est la garantie de la paix et de la sécurité. » Nous avons recueilli 745 000 signatures. Les signatures étaient collectées par des jeunes des mouvements de jeunesse comme le Hashomer Hatzair, Bnei Akiva, et d’autres volontaires à travers tout le pays. Ce fut une activité de plusieurs mois, au terme de laquelle, en tant que président de la campagne et du Comité des implantations du Nord, j’ai présenté la pétition à Begin à la Knesset, accompagné du député Katz-Oz, membre du Parti travailliste et président du lobby du Golan à la Knesset.

Convaincre Begin n’était pas gagné d’avance

Même s’il pouvait sembler que la pétition trouverait une oreille attentive auprès du Premier ministre, Sheves explique qu’il a également fallu convaincre Begin. Pour cela, ils ont obtenu les signatures de 79 députés qu’ils ont jointes à la pétition des citoyens. « Nous avons rencontré Begin à plusieurs reprises et exercé une pression considérable », se souvient Sheves.

Le moment décisif arriva plus vite que prévu : « Je ne sais pas si c’était uniquement grâce à nous, mais au plus fort de notre activité, en décembre 1981, Begin s’est fracturé la jambe ou le bassin et se déplaçait en fauteuil roulant. Un jour, on m’a appelé pour me dire de venir à la Knesset car un débat sur le Golan allait avoir lieu. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Je suis parti avec quelques amis à Jérusalem, nous étions assis dans la galerie du public, et soudain Begin est monté à la tribune pour annoncer l’application de la loi israélienne sur le Golan. Ce jour-là, la Knesset a voté en trois lectures consécutives pour approuver la mesure. »

Un acte de souveraineté aux conséquences internationales

Sheves souligne l’importance de cette décision, notamment sur le plan international. Le Golan ne faisait pas partie de la carte de la Terre d’Israël mandataire, ce qui nécessitait une législation spécifique pour permettre l’application de la loi israélienne.

Ce geste politique audacieux a déclenché une tempête internationale, y compris de la part du principal allié d’Israël, les États-Unis. Le président Reagan a suspendu les discussions stratégiques avec Israël, et de nombreux pays ont joint leur voix aux condamnations. Mais « cela n’a pas duré longtemps, car la guerre du Liban a éclaté six mois plus tard, donnant aux États-Unis d’autres raisons de nous critiquer », explique Sheves.

Tout au long de la campagne, il y avait des craintes face à la réaction internationale. Cependant, il s’agissait d’une décision politique nécessaire pour distinguer clairement le Golan du Sinaï, où Israël était revenu à la frontière de 1967. « C’est la raison pour laquelle Begin a appliqué la loi israélienne : pour qu’il n’y ait pas d’illusions. »

Et la Judée-Samarie ?

Sheves précise qu’il ne pense pas qu’il soit judicieux de tenter une démarche similaire en Judée-Samarie, « non pas parce que nous n’y avons pas de droits — nous en avons — mais à cause des millions d’arabes vivant dans ces régions. »

Quant à la vallée du Jourdain, Sheves aimerait croire qu’il est possible de créer un consensus similaire à celui qu’il a contribué à forger il y a plus de quarante ans. Cependant, il estime que la faisabilité politique est faible. « Je rappelle que, lorsque j’étais au ministère de la Défense, j’ai contribué à la création de dix implantations dans la vallée du Jourdain. Écoutez le discours de Rabin trois semaines avant son assassinat : il y parle de souveraineté israélienne sur la vallée du Jourdain dans le sens le plus large du terme. Nous avons une idéologie claire concernant les frontières de sécurité de l’État. J’aimerais qu’il soit possible d’appliquer la souveraineté sur la vallée du Jourdain, mais les choses ont changé. Je suis en faveur de cette souveraineté, mais je ne pense pas qu’il y ait aujourd’hui une possibilité politique de la mettre en œuvre. »