La France perd pied au Tombeau des Rois

Réponse à Monsieur le ministre des affaires étrangères

Monsieur le Ministre,


Je me permets de revenir vers vous dans le cadre de la procédure judiciaire que le Hekdesh du Tombeau des Rois de Jérusalem a ouvert en mai 2019 à l’encontre du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères,  afin d’éclaircir les points fondamentaux de désaccords.
A la lecture de l’exposé des faits et de la procédure, il ressort de façon criante que la France, cette grande nation européenne, n’a toujours pas compris à quel point les temps, les états, les mentalités et les  politiques ont été modifiées.
Comme historien, je vous invite à lire la passionnante histoire du Tombeau des rois qui, rappelons-le, selon des faits historiques incontestables, est un vieux tombeau JUIF en hypogée, d’environ deux mille ans d’âge, implanté à l’époque du Second Temple, en dehors des murs de la vieille ville. Il s’agit d’un patrimoine religieux inestimable dans lequel des personnalités illustres du judaïsme antique, dont Nakdimon Ben Gourion, Kalva Savoua et la reine Hélène d’Adiabène, reposaient jusqu’à ce qu’un archéologue français, Félicien de Saulcy, ayant cru découvrir le tombeau des rois d’Israël et muni des autorisations ottomanes, les déterra sans ménagement. Par la ruse et la corruption, il fit acheminer jusqu’à Paris tout ce qu’il put arracher brutalement à près de mille huit cents ans de promesse de repos éternel, les sarcophages, les ossements, les frises décoratives, en fit « don » au Musée du Louvre,  jusqu’à leur exposition, récente, salle 180, escalier Denon. L’archéologue ne put emporter avec lui le monumental escalier, conçu à l’identique de celui qui menait au Second Temple, ni les mikvaoth, les bains rituels. A cette époque, en 1863, ces agissements inconsidérés avaient provoqué un grand trouble au sein de la communauté juive de Jérusalem, au point qu’une philanthrope française, Madame Berthe Amélie Bertrand née Lévi se proposa de l’acquérir. Ainsi qu’elle l’écrivit, « appartenant à des familles israélites par mon père Serve-Dieu Lévi et par ma mère Noémie Rodrigues-Henriquez, son seul but fut la conservation de ce vénérable monument, en souvenir de ses ancêtres, afin de le préserver de toute profanation ». Elle réunit alors la somme de trente-mille francs, un montant colossal représentant la valeur d’un immeuble haussmanien, mais elle dut se plier aux dures lois ottomanes, celles de la dhimmitude,  qui interdisaient aux Juifs et aux femmes d’acquérir un bien en Terre Sainte. Berthe Bertrand fut contrainte d’en passer par le Consul Général de France de Jérusalem, Monsieur Salvatore Patrimonio, mais le pire, dans cette course pour sauver le Tombeau des Rois des pillages, était à venir, car, au moment de la signature de l’acte de propriété, son nom, tout comme celui du Hekdesh, fut omis. Afin d’empêcher qu’il soit perdu à jamais, un cousin germain de Berthe Bertrand, Monsieur Henry Pereire, le fils de Rachel Ermine Rodrigues-Henriquez et de Jacob Emile Rodrigues Pereire, prépara un contrat avec la France, précisant que le Tombeau des rois devrait rester identique, c’est-à-dire dédié à la conservation, à la science et à la vénération des enfants d’Israël.
Le contrat a-t-il été signé comme l’assure la France ? Vous n’en apportez aucune preuve dans votre argumentaire. Les copies n’ont jamais été signées et l’original de cet acte n’ayant jamais été retrouvé, le doute est permis quant à son existence, et, contrairement au fait que vous martelez que la propriété n’a jamais été contestée à la France, aujourd’hui, le Hekdesh vous conteste  ce titre usurpé de propriété au nom de la sainteté du site, au nom du doute et surtout au nom de la souveraineté israélienne sur l’ensemble de son territoire.  Malgré le rappel à l’inscription cadastrale que votre Ministère rapporte avec tant de précision, bloc 30527, parcelle n°11 au nom de la République Française, je ne manque pas de comparer la valeur que vous accordez soudain à ce détail du cadastre israélien avec le rejet que vous faites de l’autorité israélienne sur cette partie de Jérusalem, la France n’y voit-elle pas une contradiction ridicule ? Ne soyons pas avares de précision, faut-il vous rappeler que le cadastre israélien a mentionné le terme en hébreu «  Earat Hazara », ce qui n’est pas moins qu’une notification de doute sur l’origine de la propriété. Le cadre des anciens accords et traités internationaux a atteint sa limite, rien n’est éternel, seule la loi israélienne prévaut à ce jour en Israël.
Dans les conclusions d’incidents, il est aussi affirmé  que le Tombeau des Rois est l’un des quatre éléments du « domaine national français », mais,  Monsieur le Ministre,  ne voyez-vous rien de choquant dans le fait que la France ait pu constituer un «domaine national » dans un pays étranger et souverain ? Le hekdesh oui ! Toujours est-il que la France s’est appropriée le Tombeau des rois, monument et terrain,  depuis 1886 jusqu’à ce jour…… Elle aurait du, au moins par obligation contractuelle, en honorer les termes, autrement dit respecter la spécificité sacrée du lieu, un tombeau juif d’une importance religieuse et archéologique majeure, l’un des hauts lieux du judaïsme en Israël, l’entretenir, le laisser propre et l’ouvrir largement, sans aucune restriction, à la dévotion et à la prière juive. Or, la gestion du Consulat Général de France à Jérusalem, sous l’égide du Quai d’Orsay, fut, et reste, contrairement aux vœux de Berthe Bertrand et de sa famille qui les réitérés, absolument désastreuse : fouilles jamais réellement interrompues, incontrôlées et non concertées avec l’état d’Israël, travaux non déclarés, ouvertures payantes et sur réservation et fermetures intempestives, utilisation profane pour des festivals de musique arabe, tout cela contribuant gravement à dénaturer ce lieu à haute valeur religieuse et sacrée. Les fautes se sont multipliées à souhait, et, même dans l’utilisation des technologies modernes de communication, sa page Facebook et son site Internet, le Consulat Général de France à Jérusalem, encore récemment, a émis un message qui, dans sa version littérale en arabe, renommait le Tombeau des Rois en « Tombeau du Sultan », ce qui résulte d’une attitude désinvolte et d’une volonté de réécrire l’Histoire en faveur d’une population au détriment d’une autre. Évidemment, cela ne saurait être toléré.
Près de vingt de mes recherches approfondies sur le sujet ne peuvent se réduire à quelques mots, aussi après cent cinquante ans de tentative de dialogue, d’argumentation raisonnée mais aussi de fuites et d’esquives lamentables de la  part de la France, de refus obsessionnel de reconnaître les autorités gouvernementales israéliennes sur l’est de Jérusalem et les autorités rabbiniques ayant force de loi en Israël au nom de la laïcité à la française, l’heure d’une réponse appropriée à toutes ces décennies pendant lesquelles la France a cru gagner un temps précieux, et peut-être nous décourager, a sonné. Le Tombeau des rois n’a pas fini de faire parler de lui et la Justice que nous avons convoquée par différentes procédures, l’une à l’encontre du Quai d’Orsay, l’autre à l’encontre du Musée du Louvre, devrait mettre un terme à votre combat d’arrière-garde.
Revenant à l’exposé de votre argumentation devant le Tribunal, il est à noter que la  France s’arc-boute avec raideur sur un ensemble d’accords anciens, ceux de Mytilène en 1901, au crépuscule de l’empire ottoman, ceux de Constantinople en 1915, le dépeçage de l’empire ottoman, ceux de Chauvel-Fischer 1948, à la renaissance de l’état d’Israel, passés entre des entités politiques et géographiques qui n’existent plus. Le monde, la politique, les mentalités, les dates, les sciences, la communication sont tout autres. Ce monde auquel vous vous référez est enfoui à jamais. Les cartes du Proche-Orient ont été brutalement redessinées , les anglais ont crée la Jordanie, les français le Liban, l’empire ottoman s’est écroulé, enfin, ce que la France n’a jamais réellement admis, il y eut, après une seconde guerre mondiale qui a failli dramatiquement couter  la vie au peuple juif, la renaissance de l’état d’Israël, dont l’existence fut âprement négociée par la France et par les accords de Chauvel-Fischer. Les accords de Constantinople de 1913,  rappelés comme une litanie,  ne sont que des accords fiscaux imposés par la France à l’empire ottoman, dont l’exemption d’impôts, taxes foncières et municipales et la franchise douanière. Pour être exhaustif, vous auriez du rappeler l’héritage des capitulations signées entre Soliman le Magnifique et le roi Francois 1er en 1535…. Les derniers accords, beaucoup plus contestables, dits de Laboulaye-Middein du 12 mars 1997, entre la France et l’Autorité palestinienne, posent clairement un problème de droit international et de légalité. La France a signé des accords avec une représentation arabe qui n’est pas un pays, qui n’est pas unanimement reconnue, qui dispose de pouvoirs limités mais qui, en revanche, lui reconduisent des pouvoirs exorbitants,  les arabes ne connaissent pas les règles et les outrepassent, n’ont aucune limite en rien, mais qui s’en étonnera ? Hélas, il semblerait que cela soit aussi le cas de Stanislas Lefebvre de Laboulaye , hors sol et hors réalité du proche-orient, un énarque qui exerce la diplomatie des gens « bien nés » de père en fils depuis plusieurs générations réduite au strict intérêt de la France et en contrevenance du droit international.  Non, Monsieur le Ministre, ces accords de Laboulaye-Middein n’avaient aucun lieu d’être, le Tombeau des rois ne se situant pas en territoire occupé par l’état d’Israël, mais à  l’est de Jérusalem, sa capitale une, éternelle et indivisible, selon l’une des lois fondamentales israéliennes votée le 30 juillet 1980 à la Knesset.
Par ailleurs, ces arguments de diversion n’ayant aucun rapport avec le titre de propriété que nous vous contestons formellement, vous justifiez les ouvertures et/ou fermetures pour des raisons de sécurité : les travaux réalisés par la société Matière qui a rendu son rapport sont achevés depuis longtemps, les raisons de « préservation et de conservation du patrimoine », si c’est une plaisanterie il aurait fallu le préciser, ne sauraient évidemment être retenues puisque le Tombeau des Rois, cet « ensemble  immobilier »,  a été vidé de son contenu en 1863 par Félicien de Saulcy, quant aux « incidents violents » dont vous faites état, autrement dit une poignée de religieux pacifiques, le Consulat n’avait pas hésité à appeler la police israélienne pour les régler…..
In limine litis , la France ne présente aucune argument juridique et historique nouveau et recommence son jeu de chaises musicales en dénonçant la non compétence d’un tribunal, en ne reconnaissant pas la validité d’un autre. Sinon à esquiver, que cherche-t-elle  exactement, la confrontation, la préemption de ses biens par l’état d’Israël souverain sur son territoire ? En tout point, il faut de la mesure….  Le vent nouveau de la souveraineté  nationale israélienne souffle fort, le temps de la compromission,  des craintes, des excuses et des retraits permanents est passé,  tout est susceptible d’être annulé, déclaré caduque comme ces accords du passé auxquels la France s’accroche désespérément, voici venir le temps où le peuple juif veut se rétablir dans son ancienne patrie d’Israël avec un désir national de faire revivre une présence juive forte sur l’intégralité du territoire historique juif. Monsieur le Ministre, montez dans le bon train, l’histoire est en marche !
Haim Berkovits